Conséquence directe du bouleversement de nos modes de consommation, le sujet fait indéniablement couler beaucoup d’encre. Mais dans des termes claires et précis, la logistique urbaine c’est quoi ? Aussi connue sous la terminologie “logistique du dernier km”, la logistique urbaine est la dernière étape pour répondre aux achats des consommateurs. Pour répondre aux enjeux induits par l’accélération du e-commerce et sous couvert de la mutation généralisée des habitudes d’achat, les produits de logistique urbaine s’inscrivent au cœur des recherches des opérateurs et ne cessent d’accroitre l’intérêt des investisseurs. 

La logistique urbaine est l’un des éléments clés de la transformation de la ville voire de la ville du quart d’heure.

En raison de l’indispensable proximité avec le consommateur final, la rareté des biens sur le marché dans les grandes agglomérations et en réponse à la décarbonisation des villes, les produits de logistique urbaine sont loin de répondre à une logique uniformisée. La pluralité des opérateurs est notable : des opérateurs de livraison à domicile (dark store, dark kitchen, livraison du dernier km, etc.), aux transporteurs en passant par les expressistes-monocolistes. Leur positionnement sur le marché varie principalement en fonction des innovations commerciales et de la pérennité des profils des preneurs.

En Ile-de-France, les questions de disponibilité foncières deviennent cruciales. Les développeurs redoublent d’inventivité pour intégrer une partie de leur surface à leurs projets de réaménagement immobilier. Il n’est pas rare qu’une surface située plutôt en pied d’immeuble ou en sous-sol d’autres classes d’actifs immobiliers (bureaux, commerces et résidentiel) soit réservée pour des opérateurs de logistique urbaine. Ce phénomène devrait s’accélérer et répondre à une logique immobilière des usages pensée dans sa globalité mixant lieux d’habitation, de consommation et de travail. Même si adaptés aux paysages urbains, les produits de logistique urbaine continuent de répondre à des caractéristiques techniques propres aux produits logistiques classiques : une belle hauteur de 5 mètres et sur 1 niveau, des quais et accès camions bien dimensionnés restent des points essentiels.

Dans leur logique de flux, les produits de logistique urbaine permettent de répondre aux enjeux de décarbonisation de la ville… 

… et ce, contrairement aux idées reçues ! Les opérateurs s’appuient sur les différents formats de mobilité douce pour livrer le consommateur final (vélo, trottinette, véhicules électriques, etc.) permettant en outre de fluidifier la circulation. Ces nouvelles mobilités décarbonées nécessitent une adaptation précise et unique des bâtiments immobiliers, complexifiant encore un peu plus la recherche des utilisateurs. Côté investisseurs, ces produits constituent un vrai levier générateur de gains pour peu que ces derniers soient prêts à travailler le bâti en symétrie avec les besoins des utilisateurs. Les fondamentaux de marché sont bons et s’inscrivent dans une tendance durable. Seuls quelques ajustements d’affectation de site et de législation devraient affiner le périmètre dans le temps. Mécaniquement la tendance haussière déjà constatée des loyers n’est pas prête de s’essouffler.

Quelles sont les tendances et grands chiffres qui animent le marché francilien ? 

Intra-muros, le marché est très contraint.

Le niveau de demande placée annuel gravite entre 3 000 m² et 6 000 m² en moyenne. Le marché est intégralement drivé par l’offre. La demande exprimée y est, sans surprise, très forte mais les opérateurs peinent à pénétrer le marché en raison d’une asymétrie entre les produits disponibles et leurs besoins. Les performances réalisées sur les 9 premiers mois de l’année surpassent toutefois le niveau quinquennal avec 7 500 m² placés au 30 septembre. Sur les trois dernières années, l’offre immédiatement disponible décroit jusqu’à atteindre un point historiquement bas, à moins de 20 000 m² au 30 septembre 2022. Le marché ne devrait pas s’assainir : les lancements futurs (qu’ils soient probables ou certains) restent trop rares. L’offre est principalement drivée par les libérations à venir, qui sont elles-mêmes très peu nombreuses.  A horizon 2023, seules quelques libérations sont en cours de commercialisation. Le marché du neuf se structure peu à peu pour proposer notamment des opérations de la logistique urbaine en rez-de-chaussée des immeubles résidentiels pour des livraisons estimées dès 2025.

Vers un renouvellement de l’offre en première couronne ?

Le marché de la logistique urbaine en première couronne parisienne est bien plus fluide qu’intra-muros. La demande placée totalise 41 000 m² par an en moyenne sur les 5 dernières années pour une vingtaine de transactions. Le profil des preneurs évolue à mesure que les opérateurs montent en puissance. S’il y a quelques années les opérateurs de livraison à domicile étaient encore assez peu représentés, ce sont aujourd’hui les premiers consommateurs de surface de logistique urbaine. Le marché intra A86 est certes davantage fluide que le strict marché intra-muros mais reste un marché opportuniste car entièrement drivé par l’offre. Le sud de l’IDF continue de s’illustrer comme le secteur le plus offreur suivi du nord. L’offre immédiatement disponible en fin de période décroit graduellement sur ces dernières années, amplifiant encore un peu plus le déséquilibre déjà constaté. A propos de l’offre future, un renouvellement est toutefois à prévoir avec 5 lancements en blanc en cours de commercialisation.

En deuxième couronne le marché, bien qu’opportuniste, est robuste.

Le marché de la logistique urbaine entre l’A86 et la N104 offre davantage de souplesse que Paris et sa périphérie immédiate et présente des niveaux de demande placée bien supérieurs, avec 93 000 m² par an en moyenne sur les 5 dernières années pour un peu plus d’une dizaine de transactions enregistrées. Le nombre de transactions reste inférieur à celui observé en première couronne en raison d’un profil des preneurs parfois plus opportuniste et moins tributaire de la distance avec Paris. Si le profil des preneurs à tendance à évoluer davantage en première couronne, la deuxième couronne fait apparaitre quelques signaux moins cycliques. Quasi absents de la première couronne, les messagers / transporteurs consolident leur présence depuis plusieurs années. Le marché reste cependant émergent et à la recherche de son rythme de croisière, marqué en 2022 par l’entrée de nouveaux profils d’opérateurs. Côté offre, les disponibilités immédiates sont localisées au Nord et au Sud de manière plus diffuse. La zone extra A86 est une place secondaire pour les opérateurs de logistique urbaine. A horizon deux ans, très peu d’opérations sortiront de terre.  Pour autant, la place pourrait devenir un territoire d’avenir à mesure que les contraintes foncières continuent de se renforcer. Plutôt bien identifiée par les utilisateurs historiques et offrant encore quelques disponibilités foncières, la deuxième couronne devrait attiser à terme les convoitises des promoteurs / développeurs.

Camille Della-Balda

Camille Della-Balda

Consultante Research

Stéphane Arnoux

Stéphane Arnoux

Directeur Logistique Urbaine IDF