Dans un monde où tout devient data, quelles sont les données dont nous avons vraiment besoin pour prendre les bonnes décisions ? Peut-on faire confiance aux données existantes ? Comment peut-on collectivement contribuer à améliorer l’information immobilière tout en conservant ses avantages concurrentiels ? Peut-on et doit-on tout partager ? Aussi comment s’adapter à l’arrivée du big data et surtout peut-on en tirer profit… ? Ces questions nous animent quotidiennement et changent nos comportements, bien au-delà des dimensions éthiques et idéologiques habituelles.

 

Big data et marchés de l’immobilier d’entreprise

Au cours des dernières années, à l’image systèmes d’informations géographiques, les outils et la technologie en général nous ont permis d’accélérer les traitements et d’améliorer les analyses pour peu que l’information source soit fiable. Nous avons pu mettre en évidence des phénomènes spatiaux de marché nouveaux et perfectionner la qualité du conseil. L’ère numérique et digitale transforme nos modes de vie, de travail et les modèles économiques. Cela devient la clé de la transformation des entreprises, source de tensions mais ouvrant aussi de formidables opportunités.

Il faut toutefois rester modeste face aux volumes de données que nous traitons. On ne peut pas encore parler de big data au niveau des marchés immobilier avec quelques milliers de transactions locatives par an et quelques centaines d’investissements. Nous sommes loin des algorithmes boursiers et des millions de transactions financières qui s’opèrent chaque jour, où la picoseconde est devenue l’unité de temps ! Oui, oui, 0,12 0 après la virgule 1…

IMMOSTATBeaucoup de données sont toutefois disponibles pour permettre d’analyser le positionnement d’un actif, d’un projet. Elles proviennent de bases « publiques » ou de fédérations et d’organismes de place. A ce titre, la création du GIE Immostat en 2000 a incontestablement permis d’améliorer la lisibilité du marché francilien en fournissant un zonage géographique commun, une homogénéisation des définitions et des grandes données de marché. 

Mais si cet investissement a été fait en Ile-de-France, tous les territoires n’ont pas cette chance et certains marchés restent plus ou moins opaques par manque de structure pour collecter et diffuser les données ou par manque de coordination entre des acteurs aux intérêts divergents. Je pense à certains marchés régionaux où nous ne connaissons même pas le parc de bureaux ou à des marchés assez diffus comme le commerce de centre-ville ou les locaux d’activités… Prendre une décision éclairée dans ces domaines demande de la conviction et une réelle connaissance du terrain.

Autre nuance, pour revenir au marché francilien, si nous maîtrisons bien les grandes variables, la finesse d’analyse n’est pas la même pour tous. Et il n’est pas rare que des variables essentielles pour la compréhension des marchés soient confidentielles (taux de rendement, loyers, etc…). Et là vigilance car il ne faut pas confondre communication et information, notamment pour les références de transactions si chères aux experts par exemple. Les détails et le contexte comptent autant que la donnée elle-même. Et on ne peut pas forcer les entreprises à divulguer leurs données immobilières surtout quand elles sont « sensibles ». Cela reste du domaine privé !

Donc concernant data et marchés, les machines et les algorithmes laisseront encore une grande place à l’être humain. Et il n’y aura pas de partage d’information s’il n’y a pas de valeur ajoutée collective, un intérêt à partager.

 

Big data et la ville et à ses usages

Car ces mêmes technologies favorisent la mobilité et les opportunités de travailler dans de multiples lieux. Les digital natives ont des attentes nouvelles. Accéder aux services et aux biens, quand on le veut, où on le veut. Cela implique de remonter en masse des informations sur nos comportements. Les villes sont devenues le territoire par excellence de la captation d’informations. Là c’est le big data. Les grandes entreprises du net et des technologies au sens large ne s’y sont pas trompées (IBM, Gafa…). Les gisements de croissance sont là et sous couvert d’économie du partage ou collaborative, il ne s’agit souvent ni plus ni moins que d’une nouvelle dimension de l’économie marchande.

Aujourd’hui dans les villes, les big data sont utilisées pour :

  • réaménager des quartiers : à Londres, le carrefour d’Oxford Circus a éré reconstruit en modélisant le passage des quelques 60 000 piétons par heure ;
  • anticiper les problèmes de sécurité : à Chicago ou Los Angeles des millions de données environnementales ont été modélisés pour prévenir les infractions.

On parle de smart cities envahies de capteurs et d’objets connectés où les analyses prédictives, voire prescriptives, permettront d’améliorer le quotidien de tous.

Pour être attractif l’immeuble d’entreprise devra donc se conformer aux nouveaux codes de cette ville connectée et être ouvert sur elle. Il devra proposer des services et des fonctionnalités multiples. Il y a nécessité de se projeter dans le temps pour adapter les immeubles que nous construisons aujourd’hui dans cette future ville participative (disparition du clavier, multiplication de l’auto-emploi,…) !

Bien traitées, ces analyses devraient permettre d’optimiser et d’affiner encore l’occupation et la gestion des immeubles. Nous serons bientôt capables de définir les prestations qui favorisent la location. Quels environnements, quelles couleurs, ambiances, odeurs… Nous saurons déterminer les caractéristiques des immeubles qui conservent leurs locataires ou le loyer optimal par rapport à la distance des transports, etc… Ces nouvelles corrélations devraient mieux sécuriser les décisions mais aussi maximiser la satisfaction et le bien-être du client tout en visant la performance opérationnelle dans les services et l’exploitation.

Aurélie Lemoine, Directrice Etudes et Recherche de CBRE France
Extraits de la conférence CBRE ID sur le thème Immobilier : Partagez les données, multipliez les opportunités ? qui s’est tenue le 14/10/15 à Paris.