« Une  étude construite sur deux axes : le parcours collaborateur et le parcours client au sein d’une entreprise » Aurélie Lemoine

Interview menée par Michèle Perez avec :
Aurélie Lemoine – Directrice du département Etudes et Recherche CBRE
Thibault Forest – Architecte d’intérieur CBRE Workspace
Mathieu de Saint Albin – Directeur CBRE Global Workspace Solutions

L’espace de travail évolue sous influence …. Quelles sont pour vous les influences les plus perceptibles ?

Thibault Forest : L’influence sociale sans aucun doute. La multiplication des espaces « à la carte » s’accompagne de la disparition progressive des petits ou des grands bureaux attribués selon le statut professionnel. Une vision transversale plutôt que hiérarchique s’impose dans la nouvelle morphologie de l’espace de bureau fonctionnel et mélangé dans sa forme comme dans ses usages. L’individualisation et la responsabilisation engagent désormais les collaborateurs dans une vision personnelle de l’aménagement d’espace.

Mathieu de Saint Albin : Cette nouvelle conception de l’espace bureau, et cette « prise de pouvoir » du collaborateur, cassent incontestablement les codes du tertiaire. Cela conduit le Conseil en aménagement tertiaire à accompagner différemment ses clients et notamment le « middle management » souvent fortement impacté par ces transformations, du fait par exemple de la substitution de son bureau individuel par un bureau en open space. Pour répondre aux questions idéologiques qui se posent, des groupes de travail sont organisés. Ils se construisent avec un panel représentatif de l’entreprise, prêt à débattre des nouveaux aménagements dans le cadre de principes définis par la direction.

Aurélie Lemoine : L’influence économique bien entendu ! L’aménagement d’espace devient un sujet de modèle économique impacté par la technologie et les nouvelle générations. Les décideurs doivent désormais s’adapter aux contextes technologiques et générationnels pour mener d’une part une opération d’organisation « sans danger » et d’autre part maintenir un équilibre financier.

TF : La maîtrise des coûts ne se résume pas à une maîtrise des dépenses. L’environnement économique et la question de la flexibilité des espaces peuvent entraîner les décideurs à réfléchir en amont aux investissements nécessaires  dans l’aménagement d’espace de bureau. « N’est-il pas pertinent d’investir dès le départ dans une conception et un mobilier intelligents ?  Plutôt que de revenir vers des opérations de restructuration (faux plancher, cloison à modifier, moquette à changer…)».

aménagement espace bureau CBRE

 

 

“L’espace bureau est devenu un vecteur de communication !”

Thibault Forest

 

 

 

 

MSA : Enfin, les contraintes budgétaires restent bien entendu également très présentes !

Néanmoins, la performance économique ne se résumant pas à une maîtrise des dépenses, les bénéfices aujourd’hui bien connus d’un environnement et d’espaces de travail intelligemment conçus et flexibles peuvent amener les décideurs à investir dès le départ dans une conception et un mobilier intelligents, plutôt que de devoir revenir vers des opérations de restructuration (faux plancher, cloison à modifier, moquette à changer…) à plus ou moins long terme…».

Ainsi, le respect d’un budget n’engage obligatoirement pas les décideurs vers des solutions d’aménagement «cheap» ! Ceux-ci appréhendant parfaitement que certains postes prioritaires nécessitent, plus que d’autres, des investissements comme celui de l’acoustique ou des espaces collectifs.

Pour mener une opération d’organisation « sans danger » tout en maintenant un équilibre financier, l’aménagement d’espace mixe aujourd’hui les enjeux d’un modèle économique, avec le contexte technologique et l’influence des nouvelle générations.

TF : Le design et  l’esthétique influencent aussi de manière perceptible l’aménagement d’espace. Le client Co-construit avec Workspace sa vision esthétique de l’aménagement de ses espaces de bureaux. Nous devons l’accompagner dans le choix des codes qu’il veut véhiculer pour communiquer sur la marque de son entreprise.

Ces choix esthétiques sont sous l’influence de la culture du manager, du secteur d’activité dans lequel le client s’inscrit et des tendances en matière d’aménagement.

Globalement en France, chaque secteur d’activité, chaque typologie de métier a un peu sa perception de l’espace, ses codes esthétiques (couleur, de forme et de conception…). Un cabinet d’avocats n’installera pas un baby-foot jaune citron dans son hall d’accueil comme une start-up ne multipliera pas des espaces de bureaux individuels et intimistes.

Vous parlez des enjeux de l’espace de  travail… Pouvez-vous identifier les principaux enjeux ?

TF : Il faut respecter les objectifs et la stratégie de l’entreprise en adhérant à ses valeurs. L’espace de travail doit être flexible, accessible et connecté. Un espace de travail est un espace en mouvement qui doit pouvoir être réorganisé et s’adapter aux aléas économiques si l’entreprise est amenée à développer ou réduire ses effectifs.

MSA : L’espace bureau devient un champ d’expression construit sur une vision collaborative du travail. La neutralité laisse place à la personnalisation et au confort de l’espace, qui se doit de raconter l’histoire de la marque de l’entreprise et de faire adhérer à ses valeurs.

TF : Il est important aussi de préserver le bien-être des collaborateurs tout en ménageant des espaces de travail fédérateurs.

AL : N’oublions pas que l’évolution et la conception des espaces bureau se construit aussi sur la volonté d’attirer les talents pour certaines entreprises !

L’espace de travail hybride est une tendance forte de l’aménagement d’espace tertiaire… Comment le définiriez-vous ? Pouvez-vous nous donner des exemples ?

TF : L’espace de travail a le don d’ubiquité… Il n’a plus de critère géographique. L’espace de travail est partout : Il va vers l’individu et non le contraire. Nous assistons à une disparition progressive du poste de travail qui n’a plus vocation aujourd’hui à accueillir un ordinateur ou un téléphone. La frontière devient fragile entre vie professionnelle et vie privée.

TF : L’espace de travail  hybride est tout à la fois multidimensionnel et multi usages :
Prototype aménagement espace bureau
Ce plateau est un support de réflexions pour nos clients. Nous le présentons pendant la phase étude du projet : il présente plusieurs concepts d’espaces pouvant cohabiter. Nos clients peuvent choisir parmi ces différentes typologies d’aménagement qui correspondent aux tendances actuelles de l’espace tertiaire.

MSA : Cette hybridation de l’espace de travail a permis de lui donner des fonctions polyvalentes. Tous les m² peuvent être mis à la disposition du collectif comme à celle d’un collaborateur. Les m² peuvent se transformer et devenir une extension du poste de travail. Comme les terrasses, les jardins ou encore le hall d’accueil. Un espace de travail peut désormais avoir plusieurs usages : une salle de réunion peut se transformer en salle de cours de cuisine (avec l’accord du CHSCT bien entendu…) en salle de conférences ou salle d’expositions…..

AL : In fine : l’espace bureau est un sujet de société : il transcrit les valeurs de l’entreprise. Des hommes, une histoire, une géographie… Il y a de « l’urbanisme » dans une entreprise….

Y – a-t-il vraiment une « Google Mania » ? Quelle est la typologie des sociétés qui s’en inspirent ?

TF : Comment peut-on s’inspirer de ces tendances américaines ? On peut d’ores et déjà affirmer que Google a réussi à débrider notre perception de l’espace bureau. Google a intégré une dimension sociologique dans l’espace de travail qui porte désormais les valeurs de l’entreprise. L’espace bureau est devenu un vecteur de communication !

MSA : Oui, l’espace bureau est un moyen de se différencier dans un univers aussi concurrentiel. L’espace devient un support stratégique pour raconter une histoire, pour exprimer un esprit jeune, talentueux et dynamique. L’aménagement d’espace est un moyen d’être différent, un moyen pour être vu, pour être connu !  Dorénavant : l’espace bureau fait partie intégrante  d’un plan de communication global sur la marque de l’entreprise.

TF : On peut parler de « Google mania » ou presque…. dans la mesure ou aujourd’hui la majorité des projets intègre un espace de détente informel, un peu plus grand, plus ludique, plus cosy qu’auparavant. Et pas seulement avec trois distributeurs de boissons chaudes et froides. C’est de cette façon là que l’on se rapproche, que l’on s’inspire aujourd’hui de Google. Mais il est vrai que toutes les entreprises n’ont pas vocation à avoir un toboggan vert pomme dans une salle de réunion !

Vous parlez du « mieux travailler ensemble ». Comment atteindre cet idéal ?

MSA : Aller vers plus de collaboratif, plus d’agilité ? C’est un enjeu majeur, une thématiques clés ! Pour construire une conception transversale du travail : il faut casser les silos en intégrant davantage d’open-space au détriment de bureaux individuels.

AL : Cette conception doit tenir compte de l’influence des délégués du personnel dont le rôle est de préserver l’humanisation dans le travail. Rappelons-nous les événements tragiques liés à des environnements de travail inhumains. Risques sociaux, burn out. Il faut avoir conscience du faible coût que représente un espace de travail bien pensé pour le rendre plus humain et plus convivial rapporté à ce que cela pourrait coûter si on ne le faisait pas. Une opportunité qui fait son chemin chez les financiers et non plus uniquement dans les RH.

TF : Oui l’aménagement d’espace est un sujet de politique, d’argent et de management. Le type de management, la typologie des collaborateurs et des métiers influent sur la conception de l’espace bureau. Jusqu’où est-on prêt à aller ? Quels risques devrons-nous prendre ? Le respect de l’équation entre économie et social apportera la solution la plus adaptée pour « Travailler ensemble et en bonne intelligence ».


CBRE remercie Thibault Forest, Aurélie Lemoine et Mathieu de Saint Albin d’avoir bien voulu répondre à nos questions – En savoir plus sur l’étude The Place To Work.

Vous pouvez découvrir nos références en matière d’aménagement d’espace bureau.