Dans le cadre d’une série d’interviews, Olivier Cros directeur du Studio CBRE Design & Project s’exprime sur le sujet du Flex Office, une tendance de fond qui fait passer le bureau d’un environnement individuel figé à un environnement collectif et dynamique.

Comment est-on passé de l’Open-space à cette conception flexible des espaces de travail dits Flex Office ?

OC : Le Flex Office est la conséquence de deux constats. Le premier montre qu’aujourd’hui, lorsque l’on circule dans les espaces de travail des entreprises, on réalise que les bureaux sont globalement vides. Une tendance que confirme scientifiquement les études d’occupation des espaces en mesurant l’occupation des espaces. Il y a toujours en moyenne à un temps T, 40% des postes de travail qui sont inoccupés. Et lorsque l’on dit inoccupé, cela ne signifie pas que la personne est en réunion, travaille ailleurs avec un collègue ou fait une pause-café ! Cela signifie réellement que la personne n’est pas dans les locaux, parce-qu’elle est en réunion à l’extérieur, en formation , en congé ou en arrêt de maladie. Un constat qui engage de plus en plus de directions immobilières à s’interroger sur les 40% des espaces inutilisés. Une question qui s’impose quand on sait que le coût des espaces de travail est le second poste de coût pour les entreprises du tertiaire après la masse salariale. Le deuxième constat est que cette tendance de bureaux vides va se renforcer si l’on en croit le prolongement des courbes actuelles de modifications des modes de travail.

Comment définiriez-vous le Flex-Office ?

OC : Le Flex Office obéit à deux règles majeures. La première d’entre elles est l’absence d’attribution d’un poste de travail à un salarié, qui doit désormais utiliser l’espace de travail selon la nature de ses missions. La deuxième de ces règles est qu’il y a moins de bureau que de collaborateurs. Compte tenu de la mise en place d’une logique de desk sharing, ce sont des règles disruptives, destructurantes au regard des habitudes ancrées traditionnellement dans les entreprises. Ce nouveau modèle engage les utilisateurs à réfléchir sur l’intégration de principes structurants.
Le premier est de créer la notion de « Quartier ». Le Flex Office n’est pas une flexibilité des espaces dans l’immeuble, mais dans un « Quartier », un espace dédié à une équipe ou à un pool d’équipes qui a l’habitude de travailler ensemble. Cette notion de « Quartier » marque une appartenance à une équipe qui a régulièrement des interactions. Le deuxième de ces principes structurants est le fameux casier individuel dont dispose chaque salarié pour ses affaires personnelles. Un espace de rangement personnel et individuel situé à proximité de son « Quartier » qui constitue un élément d’ancrage très fort pour les salariés dans les entreprises. A titre d’exemple dans les locaux de Microsoft à Munich chacun peut décorer la porte de son casier à son goût. La règle d’or du Flex Office repose sur le calcul du bon taux de partage des espaces et des postes de travail et que l’on appelle le taux de desk sharing. Un taux qui s’analyse scientifiquement et qui détermine si l’on conçoit 1 poste pour 1, 2 salariés ou 1 poste pour 1, 4 ou 1 poste pour 2 salariés ou 1 poste pour 5 salariés comme cela peut se concevoir dans les extrêmes absolus.

Une réponse logique à l’évolution des modes de travail ?

OC : La mise en place d’un Flex Office, se construit sur la base d’un constat et d’un pari sur le futur. On anticipe sur le fait que les collaborateurs étant moins présent, les espaces seront organisés de manière différente. Ils pourront être réduits ou de nature différente, plus orientés vers les espaces collaboratifs qu’individuels. Auparavant, le travail était essentiellement posté, individuel et prévisible alors qu’aujourd’hui le travail tend à être est nomade, collectif et imprévisible. Le Flex Office sur son principe répond à cette évolution des nouveaux modes de travail.
Si l’on fait par exemple l’analogie avec la dimension hôtel qui se construit autour d’espaces collectifs. Dans un hôtel, aucune chambre ne vous est attribué nommément. Si vous retournez une 2ème fois dans le même hôtel, vous aurez une autre chambre. Le principe est le même pour le bureau. On a longtemps pensé le bureau comme un espace individuel mais il devient un espace collectif au même titre qu’un hôtel, un café, ou une restaurant sont des espaces collectifs. Le raisonnement peut s’appliquer pour un avion, on a toujours moins de place que de personnes susceptibles de venir de manière purement théorique. L’approche dans la mise en place du Flex Office est logique et non dogmatique. Il ne s’agit pas de nier la place d’un individu que l’on considère comme interchangeable dans l’entreprise, mais on applique simplement au bureau qui est un lieu collectif, les mêmes règles qu’à tous les autres lieux collectifs.


 

Olivier Cros

Olivier Cros

Directeur du Studio CBRE