“Le projet d’organisation doit refléter l’ambition de la société en considérant la typologie des métiers, la culture de l’entreprise comme les hommes et les femmes qui la composent.” Yann Miolini
Interview menée par Michèle Perez avec :
Yann Miolini : Responsable Marketing Agence & Tenant Rep
Ludovic Chambe : Responsable Développement Durable
Vous avez rédigé un document original légitimant le pouvoir des Sens sur la performance au travail…
Que cela soit sous un angle médical, esthétique ou environnemental : l’aménagement des espaces bureaux est bien une matière à idées propre à favoriser le développement des qualités intellectuelles et physiques.
On parle d’un art de vivre. Peut-on parler d’un art de travailler construit sur l’éveil des sens ?
YM : La façon de concevoir le travail et les conditions de vie dans un immeuble sont en constante évolution ; un des objectifs des entreprises est de proposer aux salariés un espace de travail davantage en adéquation avec leurs attentes en matière de confort tout en considérant la subjectivité de certains choix. Même si chaque entreprise est motivée par des impératifs différents, les grands objectifs sont souvent similaires : créer du bien-être au travail et optimiser les coûts. Ainsi toutes les idées sont explorées pour contribuer à l’appropriation par les salariés de leur espace de travail, y compris celles qui peuvent sembler a priori moins indispensables.
LC : Arts de vivre et arts de travailler ? Ces deux notions me semblent aujourd’hui indissociables, la frontière entre vie privée et vie professionnelle étant de plus en plus poreuse. Que l’on parle de Homing at work ou de Working at home, ces mutations ont considérablement fait évoluer nos modes et espaces de travail.
Pas étonnant donc de retrouver les questions sensorielles transposées de notre domicile à notre environnement de travail. C’est également ce qui explique la montée en puissance des notions de Qualité de Vie au Travail (QVT) et de bien-être des salariés au sein des entreprises.
Vous développez une stratégie d’approche sensitive de l’aménagement de bureau…
YM : Ce sont des concepts nouveaux dont l’impact est difficilement quantifiable, même si certaines études confirment l’influence, directe ou indirecte, de certains de ces aspects sur la productivité des collaborateurs. Tout ce qui va dans le sens d’une amélioration des aménagements d’espace de travail contribue à une optimisation des coûts et de la qualité du travail rendu. Dans un tel contexte, il s’agit d’identifier les bons ingrédients qui vont s’adapter à une population dont les attentes sont différentes.
LC : Une chose est sûre, il ne faut pas hésiter à investir dans la conception des aménagements de bureau. C’est une étape clé dans la stratégie d’une société.
La conception de ces espaces est primordiale et mérite que l’on étudie de manière fine les solutions les plus adaptées pour répondre aux besoins de l’entreprise et de ses collaborateurs.
Ambiance et décoration, aménagement des espaces, éclairement naturel, acoustique… peuvent être des leviers importants dans la mise en place d’une nouvelle organisation de travail.
Qualité de l’air, de la température, du silence… Peut-on parler d’intelligence technologique ?
LC : A l’heure de la Smart City et des bâtiments intelligents, la gestion des paramètres de confort est effectivement un enjeu important pour l’immeuble de demain. Mais attention, que l’on ne s’y trompe pas, la technologie ne fait pas tout. Pas de fonctionnement optimal sans intervention humaine, pas de big data sans data scientist. Malgré les avancées technologiques, gérer des paramètres aussi subjectifs que le confort et le bien-être au travail nécessite encore aujourd’hui un management humain. Un nouveau défi donc pour l’immobilier, le feel good management.
YM : Le concept de feel good management est même poussé assez loin dans certaines start-up qui embauchent des salariés qui s’occuperont du bien-être des autres salariés. Les entreprises qui dépendent de main d’œuvre qualifiée et rare sont confrontées à des difficultés de recrutement ; d’où le besoin de retenir les talents en créant une ambiance de travail « incitatrice ». Cela ne s’applique pas à toutes les entreprises et tous les secteurs d’activité, mais des principes de base peuvent être appliqués pour que ce soit l’immeuble de bureaux et le mobilier qui soient adaptés au salarié et non l’inverse.
Vous abordez le sujet des postes ergonomiques « Assis-debout »… Finalement le confort n’est-il pas une question d’imagination ?
YM : La notion de confort est certes subjective.
Chacun perçoit son environnement en fonction de sa personnalité et de ses attentes. Il est néanmoins possible de déterminer des axes concrets et communs d’amélioration auxquels seront sensibles la plupart des collaborateurs.
Si le confort ressenti par les salariés n’était que le fruit de leur imagination, cela impliquerait qu’un effet placebo est suffisant pour garantir le confort au sein d’une entreprise ; or, de véritables efforts sont entrepris pour pallier les désagréments du quotidien au bureau.
LC : Nous passons 90% de notre temps dans des bâtiments (bureaux ou logement). Que l’on le veuille ou non, les environnements intérieurs que nous fréquentons ont un impact sur notre corps et notre esprit. Ramener ce sujet à une seule question d’imagination me semble inapproprié. On assiste à une explosion des maladies chroniques (asthmes, mal de dos…), les études scientifiques et médicales sont nombreuses sur le sujet ; c’est indéniable, le confort et le bien-être au travail sont liés à d’autres paramètres que la seule imagination.
Cet idéal de qualité de vie au travail que vous défendez est-il une dépense créative ou un réel retour sur investissement ?
LC : Sans aucun doute, un réel retour sur investissement. Les salaires sont le premier poste de coût pour l’entreprise tertiaire, investir dans le bien-être des salariés représente donc un enjeu financier très important (réduction de l’absentéisme, amélioration de la productivité et de la créativité, attraction et rétention des talents…). Les surinvestissements à réaliser pour l’aménagement d’espaces de travail répondant aux meilleurs pratiques en vigueur ont un temps de retour très court. Les dernières études menées chez CBRE sur la base de nos différents benchmarks nous amène à un temps de retour inférieur à 2 ans. Si ce n’est pas déjà fait, les entreprises ont tout intérêt à s’emparer du sujet sans plus attendre.
YM : L’objectif est clairement d’assurer du rendement. Néanmoins, le succès d’un espace de travail ne peut pas être uniquement le résultat d’un effet de mode. Le projet d’organisation, indépendamment de son niveau de créativité, doit refléter l’ambition de la société en considérant les éléments suivants : la typologie des métiers, la culture de l’entreprise, et les hommes & les femmes qui la composent. Et en incluant l’ensemble des acteurs de l’entreprise pour que le résultat soit rassembleur et emporte l’adhésion.
CBRE remercie Yann Miolini et Ludovic Chambe d’avoir bien voulu répondre à nos questions – En savoir plus sur l’étude Les 5 Sens au Service de la Performance, et retrouvez l’intégralité ici.
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